
François W. Beydoun (1990)
Formé en design industriel, j’ai débuté en concevant des objets, persuadé que l’innovation rime avec beauté et marché. Les images présentées ici sont issues d’une période “pré-Internet”, à l’époque où le format PDF faisait tout juste son apparition et où l’image de synthèse était une révolution : pour obtenir un rendu haute définition, il m’arrivait d’attendre deux à trois jours pour un résultat incertain. Ces projets des années 80–90 témoignent de ce cheminement qui m’a finalement conduit à créer CHANYA : mettre le design, l’IA et l’impression 3D béton additive, bas-carbone ou matériaux biosourcés au service d’habitats durables, plutôt qu’au service de la surconsommation.
Ces projets ici, témoignent d’un contexte où l’on parlait peu d’écologie, mais beaucoup de fonctionnalité, d’ergonomie et d’esthétique. Ils reflètent aussi l’état d’esprit d’une société qui découvrait progressivement la mondialisation, la consommation de masse et les premiers prémices de la dématérialisation. Avec le recul, je trouve fascinant de voir à quel point ces objets racontent une époque : ses besoins, ses limites, ses certitudes… et ses angles morts.
À l’école de design, une phrase de professeur m’a longtemps marqué – pour de mauvaises raisons au départ, puis pour les bonnes.
Un jour, un étudiant lui demande :
« Comment puis-je savoir si mon design est bon et s’il correspond au marché ? »
Le professeur, avec l’assurance du mentor, répond sans hésiter :
« Ton design est bon le jour où un client achète ton produit alors qu’il a déjà le même chez lui.
Il l’achète parce qu’il le trouve beau, pas parce qu’il en a besoin. »
À l’époque, ce genre de réponse faisait partie de la norme : il fallait encourager la consommation à outrance, comme si les ressources de la Terre étaient infinies et que l’unique boussole était le désir artificiel créé par le marketing.
Cette logique a fini par agir comme une gifle salutaire, notamment au moment des grandes crises économiques mondiales. J’ai pris conscience du non-sens de cette course sans fin : concevoir des objets pour pousser à la consommation plutôt que pour répondre à des besoins réels et limiter notre empreinte sur le vivant.
C’est de cette prise de conscience tardive qu’est né mon basculement vers l’éco-design, puis le projet CHANYA : une approche où l’on ne conçoit plus seulement des objets, mais des habitats et des systèmes pensés pour durer, réparer, régénérer. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle et des technologies comme l’impression 3D béton additive, bas-carbone ou matériaux biosourcés ouvrent un nouveau champ des possibles, tout en nous rappelant l’urgence de changer de paradigme.
Les travaux présentés sur cette page ne sont donc pas des “reliques du passé”, mais les racines d’un cheminement. Ils montrent comment un designer industriel, témoin de la naissance d’Internet puis de l’essor de l’IA, a progressivement déplacé son regard :
du produit fini vers le cycle de vie,
du marché vers le vivant,
du design d’objets vers la conception de solutions au service d’un avenir plus soutenable.
Les images ci-dessous présentent des recherches de design industriel et des prototypes réalisés dans les années 80–90, dont certains ont abouti en produits finis.
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Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique obtenu le 26 juin 1989, option Design.
